Un deuxième texte nous est parvenu suite à la demande de Jean-Luc Welte de nous faire parvenir de vos nouvelles en ces temps de confinement, Camille RIME alias "la marmotte" au sortir de l'hiver s'ébroue au soleil. Nulle indécence, nulle outrecuidance, c'est pour le bien de toutes et tous car Camille - que l'on sait aïkidokate enthousiaste et émérite - est médecin dans le civil et fait courageusement sa part en ces temps difficiles. Nous, qui disons merci aux étoiles tous les soirs vers 20h pour remercier le corps médical et l'immense frange de la population qui travaille pour nous et nous protége de la contagion, nous dérogerons à la règle en lui disant merci à elle. Pas seulement pour le texte, mais pour tout ! Et en particulier pour ce que Camille apporte à notre club et aux membres qui le fréquentent.Au nom de toutes et tous, merci Camille.
C'est le printemps. Une période que j'ai tant redoutée, voyant arriver l'été où je me suis souvent ennuyée. Depuis quelques mois, l'ennui a quitté ma vie, bousculé par l'amour, remplacé par la paix, la curiosité, l'envie.
C'est un printemps doux et rude, où se mêlent soleil et inquiétude.
Je remplace un médecin qui part en retraite en juillet, date à laquelle je reprends son activité sur Wattrelos. Etant un peu fragile, il a souhaité que je le remplace pendant la période de confinement. Cela me permet à la fois de travailler, de participer à l'activité de soins dans mon domaine, et de préparer mon installation pour cet été.
Je remarque une évolution particulière dans l'état d'esprit des patients.
Il y a d'abord eu beaucoup, beaucoup de panique, de peurs, d'angoisse, d'interrogations à l'annonce de l'arrivée de ce virus, cette nouvelle maladie venue de si loin, si près à la fois. Comme pour le PQ et les pâtes, les gens se sont rués vers le médecin pour obtenir des arrêts de travail, se mettre à l'abri, mais aussi pour chercher des réponses à leurs questions, inquiets pour leurs pathologies chroniques, leurs enfants, leurs proches. Quand on est en bonne santé, on oublie que la maladie touche beaucoup de gens, directement ou indirectement. Un enfant asthmatique, une épouse en attente de greffe rénale, un mari au cœur fragile, un frère dépressif...
Puis plus rien. Plus personne. Le début du confinement. Plus de voitures sur la route du travail, plus personne dans les rues, ni dans la salle d'attente. Quelques consultations par téléphone... Le calme absolu. On se disait même, entre collègues « le calme avant la tempête ».
Pas de tempête pour la médecine de ville. Des cas plus ou moins graves, j'hospitalise ou pas, je surveille à distance. Je m'inquiète pour eux. Je m'inquiète pour la population, ceux qui n'ont pas accès aux moyens de communication, ceux qui sont seuls, ceux qui sont mal accompagnés. Je m'inquiète pour mes parents, mes frères et sœur, leurs enfants. Je m'inquiète pour mon oncle, hospitalisé en réanimation, sédaté, ventilé, infecté.
Et maintenant j'observe une 3e phase. Les patients ont déjà subi 5 semaines de confinement. Certains reviennent, notamment les plus âgé(e)s, avec le plaisir de retrouver un semblant de vie sociale, de prendre l'air et le soleil qui, paradoxalement, brille depuis plusieurs semaines. Il y a encore beaucoup de stress, d'anxiété face à l'inconnu de cette situation inédite.
C'est difficile de rassurer les patients. Je n'ai pas de boule de cristal ou de formule magique, et je sens bien qu'ils cherchent des informations, avec l'espoir que je sache plus de choses, que je puisse leur dire « tout va bien se terminer ». Mais je n'en sais rien. J'essaie de les apaiser, en leur disant qu'il faut se laisser guider et faire confiance. J'ai confiance en la science, la médecine et la recherche. Mais j'ai aussi mes peurs et mes questionnements sur cette situation. J'ai envie qu'elle se termine au plus vite, car pour moi aussi c'est long.
C'est le printemps. Et malgré tout, j'ai la chance de profiter des beaux jours et de balades en liberté et simplicité aux bras de mon bien aimé. La vie continue.
Camille RIME
Marcq en Baroeul, le 25.04.2020