On ne le sait pas assez mais la Corse regorge de paysages féériques à l’usage exclusif des promeneurs. C’en est au point que sa réputation de paradis du randonneur est tout à fait fondée. On ne le sait pas assez et c’est pourquoi je le répète à l’envi. Il est toujours bon de fixer à nouveau les choses dans les esprits avant d’aborder un sujet aussi sérieux qu’une carte postale de vacances à destination des amis de tatami. Car après tout, tout le monde n’a pas la chance de connaître l’Île de Beauté. C’est mon cas par exemple, je n’y ai jamais mis les pieds, je sais donc de quoi je parle.
La maison ne reculant devant aucun sacrifice, je ne citerai qu’un exemple, le dernier en date étant la randonnée du Col de Verde vers les Pozzi à laquelle Ho s’est livré corps et âme. Tant il est vrai qu’il ne peut rien faire à moitié.
On sait tout cela donc. Ce que l’on sait moins, — et c’est là que l’affaire se (non je ne la ferai pas) —, c’est que par canicule et à une certaine hauteur, les dits paysages se parent d’étrangeté. Pis ! Ils amènent parfois le joyeux campeur au bord de délires sublimes que la quête des sommets engendre.
Ainsi, lorsque Patrice, après avoir bu quelques rosés bien frappés, a commencé l’ascension du site des Pozzi au départ du Col de Verde, il ne s’imaginait pas se découvrir au milieu d’un parterre de miroirs scintillants nichés au creux de prairies sauvages.
Mais, que voulez-vous, un aïkidoka reste un aïkidoka, même accroché au flanc d’un à-pic, et bien que loin des tatamis notre ami ne put résister aux pulsions que le spectacle de cette nature édenique devait lui inspirer. Prenant à partie son collègue d’excursion, il n’hésita pas à se livrer à un pas de deux de derrière les fagots, une empoignade mémorable dont il nous régale habituellement au dojo les soirs de pleine lune et dont il garde jalousement le secret par devers lui.
La Corse est depuis réputée zone sinistrée. Le Corse et sa Corsette feront bien de se terrer au plus sombre de leur maison de pierres sèches. Il paraît qu’il rôde dans les montagnes et les forêts de châtaigniers un être abominable mi-homme mi-ours, qui s’en prend aux colporteurs de batiste ou à toute jeune fille s’aventurant avec un pot à lait sur la tête.
Mais il faut dire aussi que le Corse et la Corsette y sont habitués car il paraît que ce phénomène est cyclique, qu’il ne dure qu’une quinzaine de jours en juillet. À peu de choses près pendant le temps que Ho passe en Corse chaque année. Les années fastes.