article signé Xavier de Jarcy, Publié le 13/01/2019 sur le site de Télérama.
Fendre l’air. Jusqu’au 7 avril
au musée du Quai-Branly - Jacques-Chirac, Paris 7e.
Tél. : 01 56 61 71 72. Catalogue aux éditions Skira, 304 p., 60 €.
Le musée du Quai-Branly consacre une exposition au panier japonais. Une tradition vieille de plusieurs siècles perpétuée par des dynasties d’artisans.
Il aura fallu attendre des décennies avant que le monde occidental prenne conscience de l’immense valeur artistique des paniers en bambou du Japon. Contrairement aux estampes ou au mobilier, ils ont en effet échappé à la tendance japoniste de la fin du XIXe siècle. Ce pays a pu élever de tels objets usuels au rang de chefs-d’œuvre parce que, contrairement à la France, il n’établissait pas de hiérarchie entre « beaux-arts » et « arts appliqués ». A partir du début du XIXe siècle, au fond des campagnes de l’archipel, des dynasties d’artisans se sont donc spécialisées dans la fabrication de paniers à fleurs pour la cérémonie du thé ou pour l’ikebana, cet art de la composition florale. Au début, ils imitaient leurs confrères chinois, qui s’inspiraient eux-mêmes de vases en bronze. Peu à peu, les formes se sont émancipées.
Chacune des pièces présentées ici est à la fois une sculpture et une architecture miniature. Rectangulaire ou ventrue, finement tressée ou constituée de larges lamelles, délicate comme une résille ou rustique comme un assemblage de branchages : toutes les variations sont possibles. Si certains maîtres artisans préfèrent le calme et la géométrie, d’autres changent de style au gré de leur fantaisie, comme le génial Iizuka Rokansai (1890-1958), qui va jusqu’à employer le bambou frais pour donner à son travail la légèreté d’une esquisse à la plume.
Après 1945, l’intérêt pour le panier artisanal disparaît avec la démocratisation du pays et le « miracle économique » nippon. Les fabricants l’abandonnent pour se reconvertir dans la création pure. Le parcours se termine donc avec une sélection d’artistes contemporains, qui sculptent le bambou en liberté. Né en 1973, Tanabe Chikuunsai IV, par exemple, passe avec la même virtuosité d’une fine structure verticale, assemblée grâce à des moules imprimés en 3D, à une grosse boule aux fibres enchevêtrées comme des cheveux bouclés. La scénographie et l’éclairage mettent parfaitement en valeur les nuances du matériau, du jaune paille au brun rouge, discrètement mat ou d’un brillant éclatant. Signe qui ne trompe pas : on ressort de cette exposition en voyant le monde plus beau.