L'Aïkido, Voie de l'Harmonie des Énergies, nous dit-on. Mais aussi un art martial orienté vers la non-violence. On peut, à juste titre, souligner à la fois sa dimension d'héritage traditionnel et sa modernité. Toutes ces idées sont sans doute justes, mais leur abondance cache une obscurité centrale : comment un art martial, un art de guerre, peut-il prétendre être un art de paix ? Il semble étrange de penser qu'il existe un chemin qui conduise à la paix par un raffinement des techniques de guerre.
L'Aïkido, pourtant, est l'héritier de nombreuses techniques de combat, qui sont des arts de tuer. Dès lors, parler d'art martial non violent a-t-il un sens ? Il semble que oui: «budo» que nous traduisons par «art martial» peut aussi se traduire «manière d'arrêter le sabre», c'est-à-dire d'éviter l'affrontement. En art martial, l'affrontement est déjà une défaite. Faire la démonstration de son art de tuer un acte humiliant, qui montre qu'on n'a pas su faire comprendre à l'agresseur qu'il faisait une erreur.
Dans l'idéal des arts martiaux, ce qu'on doit anéantir, ce n'est pas l'agresseur, mais la volonté agressive, celle qui conduit au combat. Il s'agit d'abord de notre propre agressivité, mais surtout de celle de l'adversaire potentiel. On peut certes détruire l'agressivité en détruisant l'agresseur. Mais est-il nécessaire d'aller jusque-là ? Telle est donc la problématique des arts martiaux qui a été transmise à l'Aïkido: est-ce possible de détruire l'agressivité de l'autre sans le détruire lui ?